Le e-learning en libre-service gagne sans cesse du terrain au risque d’une perte générale du sens de la formation, qui ne saurait être réduite au support de la performance quotidienne, au moment où le maintien de l’emploi requiert des compétences que l’auto-formation à distance ne peut délivrer seule… Support courtermiste aux opérations et développement RH doivent être mis en cohérence, dans un blended learning rénové, nouveau chantier-clé des professionnels de formation.
A mesure que la maturité digitale des salariés s’élève, la formation en salle semble se réduire comme peau de chagrin. Au moins en valeur relative : les "actions de formation" se présentent toujours plus sous forme de séquences d’auto-formation en ligne sans accompagnement. La montée en puissance des générations Y et Z dans le monde du travail renforcent cette tendance, à quoi s’ajoute une préférence pour la vidéo / les images donnant lieu à des commentaires trop vite qualifiés de “social learning”. Cette approche est bien adaptée aux besoins d’information et de support qui surgissent au fil du travail ; ce qu’on bien compris les éditeurs de “capsules e-learning”, en particulier dans le champ de la bureautique et des applicatifs métiers, et plus généralement dans celui des des formations procédurales.
Cependant il existe de nombreux domaines où ces auto-formations ne peuvent suffire, même agrémentées d’une pincée de “fun” (gamification par exemple) et de collaboratif. On pense aux nouveaux domaines autrement complexes de la place de l'humain dans le vaste mouvement de digitalisation en cours, et à la fabrication de compétences qui seront inaccessibles aux automates (jusqu'à preuve du contraire) : empathie, intelligence émotionnelle, pensée critique, créativité, capacité à travailler en équipe, agilité… On s’étonnerait que le développement de ces compétences-clés pour l’avenir du travail et des entreprises puisse se suffire d’un simple picorage de contenus en ligne, aussi engageants et sociaux soient-ils.
Passé la sidération des dernières années (le digital bouleversant la formation à l’instar de nombreux secteurs d’activité), il est temps que la formation reprenne la main. Le développement des compétences requises à l’ère digitale, qui ne se limitent pas au simple codage informatique ou usage des outils digitaux, est une formidable opportunité pour réinventer le blended learning. Il ne s’agit pas d’arbitrer entre d’une part, le support aux opérations quotidiennes et d’autre part, le développement humain à moyen ou long-terme, mais de délivrer des dispositifs pouvant servir les deux en cohérence, les ressources en ligne d’un parcours mixte devant être pensées pour servir ces deux ordres (le développement RH conditionnant aussi la performance de l’entreprise dans la durée).
On n’y revient toujours : le développement RH repose et reposera toujours plus sur la relation humaine (DRH : Direction de la Relation Humaine ?) qui constitue le creuset des compétences-clés de la nouvelle donne, ce qui suppose des dispositifs de formation à forte densité de "live" (extension du présentiel) : cours en salle (toujours là), coaching, groupes projet, missions transverses, classes virtuelles, présentiel ou distanciel donc… sous réserve que ce blended learning se fixe aussi de maîtriser ses coûts (ce qui passe notamment par l'usage massif de ressources numériques).
Donnant du sens, de l’épaisseur à la formation, ce blended learning nouvelle manière est une chance d’échapper à une “formation en miettes” qui ne promet rien de bon.
Michel Diaz
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